L'Ecriture et la psychologie des peuples: actes de colloque (1963) ‖ p. 113 ‖ Derrida's Margins

L'Ecriture et la psychologie des peuples: actes de colloque (1963) ‖ p. 113 ‖ Derrida's Margins

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L’ASIE MINEURE
Les hiéroglyphes sont faits pour étre contemplés sur des parois rocheuses : ils animent
le nom propre comme 1e relief fait revivre la personne tout entiére.
Qui, des lors, s’étonnera que la chose écrite, ici comme ailleurs, soit auréole’e
d’un prestige sacré? Le plus grand crime n’est-il pas 1a contrefacon du document,
garant du droit, de la foi jurée, de la volonté divine? Les plus anciens sceaux hittites
ajoutent déja a la signature cette menace que « Qui alterera les paroles du roi sera.
puni de mort ». On lit ensuite, a la ﬁn des traités, que « Quiconque changera les mots
de la tablette, le dieu de l’orage l’anéantira ». Formules auxquelles feront écho,
jusqu’a la ﬁn de la tradition hittite, les malédictions hiéroglyphiques vouant a la
vengeance de tous les dieux ceux qui, « rois, princes, ou prolétaires, marteleront le
nom du dédicant » ou en détruiront les reliefs.
DISCUSSION
M. CHANTRAINE. —-—- Dans le domaine hittite les choses different bien de celles du
domaine crétois. J’ai été frappé du fait que la aussi i1 y a eu des difﬁcultés parce que
l’écriture n’était pas adaptée a la langue, et d’un probleme que nous ne nous sommes pas
assez posé tout a l’heure : celui de l’importance de la classe des scribes. Je crois que la
civilisation mycénienne est assez proche de la civilisation hittite, mais l’écriture est peut-
étre moins répandue qu’on semble 1e croire.
M. LABAT. -— Comme vient de le dire M. Laroche, 1e cas de l’Anatolie, dans le pro-
bleme qui nous intéresse, est particulierement instructif. Il devrait nous permettre de
juger des conditions nécessaires pour qu’un peuple adopte une écriture étrangere. Plu sieurs
siecles en eﬁet avant que les Hittites n’utilisent l’écriture, i1 fut un temps 01‘1 ﬂorissaient
dans c‘e pays des colonies de marchands assyriens qui rédigerent sur place une abondante
correspondance commerciale. Les indigenes, dont certains étaient directement intéressés
par ces transactions, n’étaient donc pas sans connaitre’l’utilité et les possibilités de l’écri-
ture. Ils auraient pu en apprendre la technique aupres de leurs partenaires assyriens. Or
ils ne 1e ﬁrent pas. C’est bien plus tard seulement, et dans le cadre national de l’Empire
hittite, qu’ils utiliserent l’écriture cunéiforme. Et 1e syllabaire qu’ils emprunterent alors
n’était pas celui des marchands assyriens, disparu sans laisser de traces, mais un sylla-
baire de conception diﬁérente, dont nous n’avons aucune preuve qu’il eﬁt connu dans le
pays une vogue comparable a l’ancien.
M. LAROCHE. —— L’une des découvertes toutes récentes et des plus extraordinaires,
c’est celle de tablettes assyriennes sur le site de Boghazkéy, dans la capitale hittite,
a he ute époque. Donc, les Hittites connaissaient forcément l’écriture assyrienne, puisque
nous avons dans leur capitale des tablettes rédigées dans cette écriture, mais pas un
document hittite.
M. LABA'I‘. -— Il est possible que la population indigene, en dépit des rapports
qu’elle entretenait avec les colonies assyriennes commercant dans le pays, n’ait pas eu
alors 1a maturité culturelle nécessaire a la pratique de l’écriture. D’autre part, les tran-
sactions entre autochtones ne présentaient vraisemblablement pas l’ampleur et la com-
plexité qui les auraient incités a recourir aux services de scribes ou de comptables. Quant
au Idle qu’ils jouaient dans le traﬁc économique entre leur pays et l’Assyrie i1 ne devait
pas étre sufﬁsamment actif pour qu’ils n’en laissent l’initiative et les responsabilités aux
étrangers implantés parmi eux.
La situation politique était toute diﬁérente lorsque les Hittites, quelques siecles
plus tard, éprouverent 1e besoin de se servir eux-mémes de l'écriture. A ce propos, M. Laro-
che nous a dit que ce fut peut-étre a la suite du raid fameux que les Hittites ﬁrent contre
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M. COHEN. ~— L’Ecriture. -—— 8.

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