Œuvres complètes, tome I
1959
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LIVRE CINQUIEME 197
:< pas une maitresse. Enfin je l’aimois trop pour la convoi—
5 ter : voila ce qu’il y a de plus Clair dans mes idées.
Ce jour, pluS‘tot redouté qu’attendu, Vint enfin. Je
;. promis tout, et je ne mentis pas. Mon coeur confirmoit
:mes engagemens sans en desirer le priX. Je l’obtins
,, pourtant. Je me Vis pour la premiere fois dans les bras
‘.d’une fernme, et d’une fernme que j’adorois. Fus—je
:heureux? Non, je gofitai le plaisir. Je ne sais quelle
[invincible triS‘tesse en empoisonnoit 1e charme. J’étois
:comme si j’avois commis un inceS‘tel. DeuX ou trois fois
16H la pressant avec transport dans mes bras j’inondai
:son sein de mes larrnes. Pour elle, elle n’étoit ni triéte
ini Vive; elle étoit caressante et tranquille. Comme elle
iétoit peu sensuelle et n’avoit point recherche la volupté,
{jelle n’en eut pas les delices, et n’en a jamais eu les
:rernorcls. ”W’
' h e‘ lie re’pette : toutes ses fautes lui Vinrent de ses
;:erreurs, jamais de ses passions. Elle étoit bien nee, son
Icoeur e’toit pur, elle aimoit les choses honnétes, ses pen-
rchans étoient droits et vertueuX, son gout etoit délicat,
ielle étoit faite pour une elegance de moeurs qu’elle a
'<tou]ours aime’e et qu’elle n’a lamais suivie; parce qu’au
:lieu cl’e’couter son coeur qui la menoit bien, elle e'couta
‘sa raison qui la menoit mal. annd des principes faux
cl’ont égarée, ses vrais sentimens les ont toujours demen-
atis : mais malheureusernent elle se piquoit de philosophic,
et la morale qu’elle s’étoit faite gata celle que son coeur
ilui dictoit.
' M. de Tavel2 son premier amant fut son maitre de
Jphilosophie, et les principes qu’il lui donna furent ceuX
«dont il avoit besoin pour la séduire. La trouvant attachée
3a son mari, a ses devoirs, toujours froide, raisonnante,
iet inattaquable par les sens, il l’attaqua par des sophismes,
et parvint a lui montrer ses devoirs auxquels elle étoit
si attachée cornme un bavardage de cathechisme, fait
Euniquement pour amuser les enfans, l’union des sexes
:comrne l’acte le plus indiférent en soi, la fidélité conjugale
:comme une apparence obligatoire dont toute la moralité
’regardoit l’opinion, le repos des maris comme la seule
’régle du devoir des femrnes, en sorte que des infidelite’sxp
gnorées, nulles pour celui qu’elles offensoient, l’étoient
lussi pour la conscience; enfin il lui persuada que la
:hose en elle—meme n’étoit rien, qu’elle ne prenoit
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